Une correspondance privée : Lawrence Durrell - Henry Miller
(Le Livre de Poche - 480 pages)
Présentée par George Wickes
Traduit de l'anglais par Bernard Willerval
Première édition orginale : 1962-1963 - Première édition française : 1963
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Cette correspondance entre l'américain Henry Miller (1891-1980) et l'anglais Lawrence Durrell (1912-1990) s'chelonne de 1935 à 1959. Ce sont les deux écrivains qui ont choisi les lettres à éditer. Si le texte de cette correspondance est "intégral", il l'est dans ce sens.
Durrell est très jeune au début et il envoie une première lettre d'éloges en août 1935 : "Je viens de relire "Tropique du Cancer" et il faut absolument que je vous écrive un mot dessus. Pour moi, c'est sans conteste le seul ouvrage digne de l'homme dont ce siècle puisse se vanter. J'ai envie de gueuler bravo !"
Et Miller lui répond le 1er septembre 1935 : "Votre lettre me secoue moi aussi. Vous êtes le premier britannique qui m'ait écrit une lettre intelligente sur mon livre. D'ailleurs, vous êtes aussi le premier qui ose appeler un chat un chat".
Et voilà comment débute une amitié de toute une vie. Miller vit à Paris et ne réussit pas à faire publier ses livres dans le monde anglophone, son oeuvre étant étiquetée "pornographique". Durrell, lui, vit à Corfou où il fait ses premières armes d'écrivain.
Miller va tout faire pour l'aider à percer car lui aussi aime beaucoup les livres de Durrell. Ils vont se rencontrer une première fois à Paris en 1937 puis en Grèce en 1939. La seconde guerre mondiale va les conduire à migrer : Henry va rentrer aux U.S.A. où il va enfin commencer à se faire reconnaitre et Durrell va aller en Egypte où il travaille comme directeur du service de presse étrangère pour les britanniques.
De son séjour au Caire et à Alexandrie, il a sortira son "quatuor d'Alexandrie" plus tard.
Il est impossible de résumer une correspondance. Il convient surtout de dire que c'est la preuve d'une grande amitié où chacun va aider l'autre à être publié et reconnu. L'un vit en France puis aux USA, l'autre est plus "voyageur" ; Corfou, Rhodes étant ses terres de prédilection, ses emplois le conduisant aussi en Argentine, en Yougoslavie et à Chypre.
Quelques extraits de cette riche et belle correspondance :
Lawrence Durrell (janvier 1937) page 82 : "Ma naissance et mon éducation ? Je suis né aux Indes. J'y suis allé à l'école - juste sous l'Himalaya. Mes meilleurs souvenirs, un rêve du Tibet, avant mes quatorze ans. Puis cette petite île (la Grande Bretagne) atroce et mesquine là-bas qui m'a dépossédé de moi-même et a essayé de détruire tout ce qu'il y avait en moi de singulier et d'unique. Ma soi-disante éducation n' a été qu'une révolte. J'ai toujours rompu mes amarres quand j'étais malheureux. La liste des écoles que j'ai fréquentées aurait un mètre de long".
Tous deux sont des révoltés, des marginaux de la littérature. Ils veulent rompre avec les traditions, ce qui leur vaut les pires difficultés.
Henry Miller (8 mars 1937) page 95 : "Le "Carnet Noir" est arrivé et je l'ai ouvert et je l'ai lu avec des yeux exhorbités, avec terreur, admiration et stupéfaction. Je continue à le lire, moins vite, car je veux en savourer chaque bouchée, chaque ligne, chaque mot. Vous êtes le maître de la langue anglaise".
Henry Miller (4 avril 1939) page 198 : ..."L'écrivain devrait toujours être en dessous ou au-dessus de la normale, je crois, mais jamais sain et sobre. J'ai travaillé avec mes maladies sans difficultés toutes ces années passées. Mais si je dois devenir un specimen sain et normal, je dirai adieu à ma carrière littéraire.
Henry Miller (13 février 1957) page 371 : " Viens de recevoir votre "Justine" et l'ai presque fini, d'un seul trait. Extraordinaire ! Et quelle écriture ! Personne n'écrit l'anglais comme vous ! A donner parfois le frisson . Quel portrait de'Alexandrie !"
Lawrence Durrell (juin 1957) page 378 : "Je suis très embarrassé quand je vois tout le temps que vous passez à écrire sur moi au lieu d'écrire sur vous-même. Pour un autobiographe, c'est certaineement là une grande perte d'énergie. Je ne sais comment vous remercier. Que puis-je faire en retour pour vous témoigner ma gratitude?".
Ces quelques extraits montrent bien l'attachement l'un pour l'autre et leur fidélité au long des années. Ils parlent aussi de leurs voyages, de leur vie personnelle. Chacun va se marier, avoir des enfants, divorcer... Des vies consacrées tout de même à leur oeuvre, chacun se battant pour se faire éditer car leur oeuvre n'est pas "ordinaire". Elle est moderne, novatrice, provocatrice aussi. Mais on voit par le style de ces lettres que ce sont de véritables écrivains qui mettent autour de coeur dans leur courrier que dans leurs textes. Et ils savent aussi se dire ce qui ne va pas dans leur oeuvre !!! Ainsi Durrell se montre très déçu par "Sexus".
C'est comme toujours l'ntérêt des correspondances d'écrivains de se dévoiler dans leur intimité. Et là il s'agit bien d'une "correspondance privée", consensus des deux auteurs qui ont choisi ensemble les lettres à publier.
Bonne lecture,
Denis
Lecture faite au titre de deux challenges :
- Challenge U.S. chez Noc Tembule et lecture commune Henry Miller :
- Challenge "en toutes lettres" chez Heide
yuko 12/11/2013 10:51
DENIS 13/11/2013 21:31
Heide 13/10/2013 12:14
DENIS 13/10/2013 21:19
Bonheur du Jour 07/10/2013 18:08
DENIS 07/10/2013 21:23
Dominique 07/10/2013 10:05
DENIS 07/10/2013 21:24
Anis 06/10/2013 19:28
DENIS 06/10/2013 20:40