On sait le chemin qu'a fait " La peste " ( juin 1947 ) : en six mois celui que " la Condition Humaine " avait mis quinze ans à accomplir.
On a vu dans ce livre un témoignage essentiel porté sur notre époque , et l'audience en a vite dépassé nos frontières.
Ce qui frappe , à vrai dire, à la lecture de ce document , c'est à la fois sa nécessité et les faiblesses de son affabulation.
Certes , il est plus difficile d'animer une polyphonie romanesque qu'une nouvelle mélodique comme " L' Etranger " , dont le ton se soutient de lui - même.
Mais " La Peste " montre à quel point Camus fut privé des dons qui font le romancier d'imagination.
Le froid , la faim , la misère , l'amour , la maladie , la mort , la joie cessent avec lui d'être des états naturels de l'homme pour devenir des mythes.
Cet écrivain , qu'on a si souvent rangé parmi les existentialistes , est un romancier plus essentialiste que Balzac.
Comme ceux de " L'Etranger " , les personnages de " La Peste " seront stéréotypés : le père Paneloux n'est qu'un jésuite , c'est - à - dire l'apologiste d'une vérité absurde qui refuse de se
présenter comme telle ; il en est de même du juge ou du préfet.
Ce qui frappe encore , c'est la difficulté qu' éprouve Camus à s'approcher du réel : il lui faut une scène nue , des héros sans costume.
Les corps semblent le gêner , il voudrait que nous n'écoutions que des idées.
On retrouve dans " La Peste " cette espèce d'inhumanité foncière qui était , au fond , le vrai crime de Meursault.
Pourtant , Camus a fait un effort : il s'est documenté afin d'étayer son histoire. Il évoque " Athènes empestée et désertée par les oiseaux , les villes chinoises remplies d'agonisants silencieux
, les bagnards de Marseille empilant dans des trous les corps dégoulinants ".
Il place ses ravages dans une ville où il a vécu , et qu'il nomme, à une époque qui est la nôtre , " en 194. , à Oran ".
Il avoue qu'elle est laide , " une ville sans pigeons , sans arbres et sans jardins , où l'on ne rencontre ni battements d'ailes , ni froissements de feuilles , un lieu neutre pour tout dire
".
Mais , il n'y a pas de lieu neutre pour un romancier doué ; d'un village désert , aux volets clos par l'été , entrevu un seul jour , Sartre a su tirer une inoubliable vision d' Argos.
A peine saurons -nous quelle était la taille du docteur Rieux , la couleur de ses yeux , la forme de ses costumes ; nous ne verrons vraiment aucun des habitants d'Oran : ce sont des fantômes sans
visage ( le juge Othon est tout juste un peu caricatural ) , tous promis au même sort par un mal anonyme , implacable et absurde.
Mais leur vie est décrite avec une minutie hallucinante , avec un art qui , pour être pauvre de moyens , n'en est pas moins évocateur : ainsi dans cette chronique éloignée du réalisme ,
réapparaît la vérité des grandes lignes ; libre à chacun de nous de corriger quelques détails , de pendre du linge aux fenêtres , des grappes d'hommes aux tramways , des affiches multicolores aux
murs ; à défaut du décor lui -même , nous avons du moins son armature , sa terrible armature de signes qui ne trompent point.
Oui ," La Peste " n'est qu'une allégorie , mais c'est l'allégorie même de notre temps et nos contemporains s'y sont aussitôt reconnus.
C'étaient l'occupation allemande et l'univers concentrationnaire , la bombe atomique et les perspectives d'une troisième guerre mondiale , l'âge inhumain : celui de l'Etat - Dieu , de la machine
souveraine , de l'administration irresponsable.
Alors , l'anonymat de " La Peste " prend tout son sens : les personnages sont ceux de tous les jours , leurs visages sont les nôtres , ils sont la foule des condamnés à mort.
Et voici différentes éditions de livres de " LA PESTE "
Celui-ci , je viens de l'acquérir sur un site de ventes et d'enchères
aujourd'hui , il était en vente aux USA.
Je vous en reparlerai dès que je l'aurai reçu.
Bea kimcat 30/11/2009 18:37
FABIENNE 30/11/2009 21:30
gourmande 29/11/2009 19:55
FABIENNE 30/11/2009 22:25
Marie 29/11/2009 14:06
DENIS ET FABIENNE 05/12/2009 08:55
Un petit Belge 29/11/2009 10:43