Comme des ombres sur la terre de James Welch
(Albin Michel - Collection "Terre indienne" - 395 pages - 1994)
Traduit de l'américain par Michel Lederer
Titre original : Fools Crow - 1986
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Le roman se passe en 1870, dans le Montana. La guerre de Sécession est terminée depuis 5 ans et la paix règne dans le pays. Seulement, les blancs, appelés les Napikwans dominent les régions du nord et malgré des accords de territoires entre les blancs et les indiens, ceux-ci ne cessent d'empiéter sur les terres des autochtones.
Ainsi, régulièrement, il y a des "raids" des indiens pour dérober des chevaux tandis que les Napikwans exterminent des villages entiers.
Le roman raconte quelques mois de la vie des Pikunis (du Sud) de la confédération des Pieds Noirs.
L'auteur est lui-même issu de cette confédération indienne. Il raconte ici sous forme romanesque l'histoire de ses aïeux.
On vit au coeur de la vie nomade des Pikunis tout au long du roman, avec un personnage principal : Chien de l'Homme Blanc, un jeune indien de 17 ans.
Le narrateur nous donne l'explication du nom du héros page 226 : "Agé alors de neuf ans, il avait l'habitude de suivre partout un conteur appelé Homme Blanc Peau de la Victoire. Un jour, apercevant ce dernier tout seul, quelqu'un avait demandé : Où est donc le chien de l'Homme Blanc? et le nom lui était resté".
Deux frères que tout oppose : Chien de l'Homme Blanc, plutôt conciliant, ouvert aux autres et serviable et Cheval Rapide, violent et prêt à tout pour empêcher les Napikwans d'envahir leurs terres et de violer les traités de bon voisinage.
Cinq parties composent ce récit magistral que l'on doit lire lentement pour l'apprécier. Le style est de grande qualité. Le récit est ponctué de rêves, de méditations aussi. On est loin de la brutalité gratuite attribuée aux indiens. La magie, la médecine ancestrale est au coeur de leur vie, à l'image du vieux Mik-api qui tansmet son savoir à Chien de l'Homme Blanc pour perpétuer les coutumes et le jeune homme réussit à sauver des vies avec cette médecine. Il est seulement désemparé devant la maladie des hommes blancs transmise aux indiens : la Croûte Blanche, si terrible qu'elle décime les tribus.
Tous les termes employés par les Indiens sont très imagés, comme leur seul nom.
Par exemple, Chien de l'homme blanc devient Trompe-le-Corbeau, après avoir triomphé des Corbeau, une autre tribu rivale qui a tué plus d'un Pikuni.
Pour bien voir le style et le type de narration choisi, il n'y a rien de tel que des exemples, le début du roman par exemple : "Maintenant que le temps avait changé, la lune-des-feuilles-qui-tombent blanchissait dans le ciel noir et Chien de l'Homme Blanc se sentait inquiet. Mâhcant un bâton de viande séchée, il regarda Faiseur de Froid rassembler ses forces".
Début de la deuxième partie (page 137) : Audébut de la lune-de-l'herbe brûlée, peu après la Danse du Soleil, Peinture Rouge se reposait le dos devant son tipi. Elle venait d'écharner une peau de cornes-noires qui maintenant séchait au soleil..."
La vie est rythmé au fil des lunes, du soleil et bien sûr des saisons. La chasse est aussi incontournable car elle permet de se nourrir.
La troisième partie débute également par une référence à la nature et au rythme du temps (page 215) : Le chinook soufllait depuis deux jours et deux nuits. Alors que la couche de neige était encore épaisse dans les gorges, les ravins et les vallées, la plupart des collines des plaines se teintaient déjà de jaune là où l'herbe clairsemée commençait à apparaître".
Mais, attention, il ne s'agit pas d'un roman bucolique et romantique, même si on y parle d'amour de temps en temps, notamment l'amour puis le mariage entre Trompe-le-Corbeau et Peinture Rouge. Mais l'essentiel reste la narration de la vie difficile des Pikunis pris entre violence, voyage et survie. Car, oui, il fut survivre au froid des hivers du Montana dans les tipis. Il faut combattre les ennemis, essentiellement les blancs, que l'on voit peu dans le roman mais dont le mal-être qu'ils provoquent est latent dans la narration.
Difficile de détailler l'ntrigue, car on pourrait presque dire que c'est une "chronique" qui raconte la vie d'une tribu indienne en 1870.
Un excellent roman dont la langue nous immerge complètement dans l'univers des Pikunis avec leurs dénominations poétiques des êtres et des événements, comme vu dans les extraits ci-dessus.
J'ai mis longtemps à lire le livre car il est foisonnant, en 400 pages denses, et il demande de la concentration mais les mots nous emportent dans un "autre monde" et on ne peut que voir les Indiens d'Amérique autrement après avoir lu ce livre. Ce sont des êtres humains, avec leurs moeurs ancestrales, mais avec leur monde intérieur tellement envoûtant...
Un livre et plus encore un auteur américain essentiel.
James Welch est né en 1940 et décédé en 2003. Son oeuvre s'est concentrée sur les Indiens, ces êtres vivant "comme des ombres sur la terre". Des ombres vivant sur ces terres bien avant l'arrivée des Blancs qui ont voulu conquérir leurs terres et les envoyer dans les contrées que eux ne voulaient pas. Belle leçon d'humilité et de courage, pour un peuple hélas toujours méprisé dans ce pays qui se veut le plus évolué du monde !!!
Bonne très belle lecture pour cet immense coup de coeur,
Denis
Livre lu dans le cadre du challenge US organisé par Noc Tembule
Et comme le roman se passe intégralement en 1870, il rentre également dans le Challenge XIXe siècle organisé par Fanny et Kheira
Et lisez l'article de "la petite marchande de prose" sur ce livre, il est excellent.
le Bison 29/10/2013 22:57
DENIS 30/10/2013 20:18
Heide 28/10/2013 20:13
DENIS 30/10/2013 20:38
Noctenbule 28/10/2013 19:49
DENIS 30/10/2013 20:39
Eeguab 28/10/2013 19:18
DENIS 30/10/2013 20:40
Theoma 28/10/2013 09:55
DENIS 30/10/2013 20:41