23 mars 2016
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Travailler fatigue de Cesare Pavese (Gallimard - Oeuvre - Quarto)
Traduit de l'italien par Gilles de Van, révisée par Martin Rueff
Titre original : Lavatore stanca (1936)
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Le recueil de poèmes "Travailler fatigue"est la première oeuvre publiée de Cesare Pavese (1908-1950) en 1936. 4 poèmes ont été interdits pour "raison morale". N'oublions pas le contexte du fascisme mussolinien. Pavese était d'ailleurs en résidence surveillée à Brancaleone. Et pourtantil n'était pas franchement préoccupé par la "politique", sa passion, son "métier de vivre" étant d'écrire une oeuvre littéraire.
On connait peu Pavese poète et pourtant c'est par cette voie (voix aussi) qu'il se fait connaitre. Il veut écrire des poèmes réalistes, bien ancrés dans son temps, en réaction notamment aux poèmes hermétiques, allégoriques et métaphysiques de ses contemporains (Ungaretti, Quasimodo...).
Et de fait, chaque poème est à lui seul une petite nouvelle où l'on retrouve le pays des collines, près de Turin, les "gens simples" qui vivent là, y travaillent ou non, aiment les filles souvent frivoles. C'est en quelque sorte un hymne à la vie, à la jeunesse.
Comme le dit le poète "... Un paysage et des êtres humains dessinés avec simplicité et avec force, et, si possible, avec astuce en vue d'indiquer leur vertu propre de solide optimisme, d'attachement juvénile à la vie et aux choses, et de prompt sourire. A ce but, je faisais concourir le style, exempt d'ornements et franc, rapide et mâle, et le vers que je cherchais à dépouiller de toute fioriture et à couler substantiel et soutenu".
Voici le début du poème "Oisiveté" (page 144) :
Toutes les grandes affiches collées sur les murs
où l'on voit un ouvrier robuste se dressant dans le ciel
et au fond, des usines, s'en vont en lambeaux
dans le soleil et l'eau. Masino jure quand il voit son visage plus fier
sur les murs de ces rues et qu'il doit y errer
en cherchant du travail.
Le matin on se lève, on s'arrête pour voir les journaux
dans les kiosques animés de visages de femmes en couleurs,
on compare avec celles qui passent et c'est peine perdue
car chacune a des yeux plus cernés. Tout d'un coup apparaissent,
leurs placards pour les films appuyés sur la tête,
s'arrêtant à chaque pas, les petits vieux en rouge,
et Masino fixant ces visages difformes et toutes ces couleurs,
se tâte les joues et sent qu'elles sont plus creuses.
Chaque fois qu'il mange, Masino recommence à errer,
car c'est signe qu'il vient de travailler. Il traverse les rues
et ne regarde plus personne. Puis le soir, il revient
et s'étend un moment dans les prés avec cette fille..."
Une "poétique" de la vie et des textes souvent très forts, qui sont des tranches de vie au début des années 30 dans le Piémont italien, alors que tout est en train de basculer.
Bonne lecture,
Denis
Livre lu dans le cadre du challenge italien animé par Eimelle et dont le thème du mois est l'Italie du Nord.
eimelle 24/03/2016 07:12
Denis 24/03/2016 15:59
Valentyne 23/03/2016 21:14
Denis 24/03/2016 15:58