4 juillet 2014
5
04
/07
/juillet
/2014
20:38
Tocaia Grande : La face cachée de Jorge Amado
(Stock - Nouveau Cabinet Cosmopolite - 513 pages - novembre 1992) Traduit du portugais (Brésil) par Jean Orecchioni
Titre original : Tocaia Grande : a face obscura (1984)
---------------------
Jorge Amado (1912 - 2001) est sans conteste un des plus grands auteurs brésiliens du XXe siècle, né à Itabuna (Etat de Bahia) et mort à Salvator (Etat de Bahia). C'est dire combien cette région du Brésil aura marqué sa vie et plus encore son oeuvre.
Dans ce long roman (comme souvent chez lui) de 513 pages "serrées", se passe justement dans la région d'Itabuna. On comprend bien que l'on est alors au début de XXe siècle, 20 ans après l'abolition de l'esclavage au Brésil (1888). Et l'auteur nous propose de raconter l'épopée des fondateurs de Tocaia, devenue ensuite Irisopolis, et au tout début, on apprend que Irisopolis fête les 70 ans de son fondation sur les "débris" de la ville libre de Tocaia Grande.
Cette ville doit tout au capitaine Natario da Fonseca, vaillant métis, héros de ces temps où les colonels tenaient les terres de la région. Les querelles étaient monnaie courante et le capitaine eut l'idée de s'attaquer au colonel rival de Boaventura en le faisant passer par la "grande embuscade", un coin perdu d'où il pouvait superviser l'avance de l'ennemi et le prendre au piège. La victoire est éclatante et le lieu devient "Tocaia Grande" (la grande embuscade). Le roman marque les grandes étapes du développement de ce "site" qui sera gîte d'étape pour les mûletiers en transit. Fadul, le turc, très "commerçant", y installe un entrepôt car il sent que ce sera l'occasion d'y faire de très bonnes affaires. Les prostituées viennent également s'y installer, ainsi que le forgeron noir Castor.
Et de mois en mois, Tocaia Grande acquiert de la notoriété devenant alors hameau, puis village, bourgade et enfin bourg. Natario a une grande notoriété ce qui conforte l'idée que ce lieu est porteur d'avenir. Il va d'ailleurs y construire la plus belle maison du lieu. Il faut dire que beaucoup y vivent dans des cabanes plus que dans des maisons. Ici, on aime la fête et un accordéoniste y anime des soirées très arrosées et voluptueuses car les prostituées sont plutôt actives comme les hommes bien "charpentés" et friands de moments de volupté. Les filles y sont précoces dès l'adolescence.
La solidarité est de mise aussi. Car la vie n'y est pas toujours rose ici. Des "bandits" passent par ici, provocateurs, le Turc va y perdre son magasin, mais tous vont l'aider à reconstruire son bâtiment tellement important pour le commerce. Une prostituée se fait accoucheuse. Les maçons, charpentiers aident les autres à s'installer et à construire leur "chez eux". :Deux grands événements douloureux vont ternir Tocaia Grande et la rendre vulnérable : une inondation importante qui va ruiner les cultures et le village. Ensuite une fièvre proche de la peste qui va tuer plusieurs habitants. Et puis Tocaia Grande, la ville de la liberté, finit par être très mal vue...
Le roman prend le ton de la "fable picaresque", répétant les moments clés, la place des personnages dans le cadre du roman... Répétitions qui enrichissent le texte sans être grandiloquentes. L'auteur maîtrise son "sujet" et entend nous faire adhérer. Et il y réussit fort bien car il sait nous captiver et son empathie pour ses nombreux personnages, des marginaux, est communicative. J'ai passé plusieurs jours de plaisir de lecture dans ce Brésil en formation qui sera "terni" par les métropoles comme le futur Irisopolis...
Page 397 : "D'autres fièvres avaient un nom : la tierce, la palustre, l'aphteuse qui attaque hommes et bêtes, la fièvre jaune, la bulbonique, toutes plus dangereuses les unes que les autres. Mais il y avait des traitements et des remèdes pour toutes (...). Pas de remède au contraire pour la fièvre sans nom, la fièvre tout court, sans qualificatif, sans diagnostic, sans ordonnance : le patient entre les mains de Dieu, l'mplacable Dieu de la peste".
Page 48 : "Un petit palais aussi, la baraque de Jacintha, si on la comparait à la cahute de paille qui servait d'abri à Bernarda : une demi-douzaine de palmes mal assemblées, quatre bouts de bois plantés en terre. A l'intérieue, un grabat, une marmite en terre sur trois pierres, rien d'autre". Style précis mais aussi imagé, poétique bien souvent et "grivois" pour les choses du sexe...
Bref, un très grand coup de coeur et un bonheur pour moi de retrouver Jorge Amado après un très long moment (20 ans environ) sans l'avoir lu.
L'occasion de la coupe du monde de football au Brésil m'a donné envie de lire ce livre pour aller vers ce pays par d'autres biais passionnants.
Bonne lecture,
Denis
Livre lu aussi dans le cadre du groupe sur facebook "Littérature Brésilienne"
Published by DENIS
-
dans
LITTERATURE
Un job d'enfer! 09/07/2014 10:07
Denis 09/07/2014 22:12
Lybertaire 05/07/2014 10:44
Denis 05/07/2014 20:20
Denis 05/07/2014 10:15
Sandrine 04/07/2014 22:52